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Le cinquantième anniversaire de la fin de la présence française en Algérie se présente avant tout comme une déroutante cacophonie. Sur le sujet lui-même : que commémore-t-on donc en mars 2012 ? La signature des accords d’Evian ? Le retour du contingent ? L’exode des pieds-noirs ? La victoire du FLN ? La défaite de la France ? Le terrorisme sanglant de l’OAS ? Le massacre des harkis ? Chacun s’accroche à ses souvenirs et, un demi siècle plus tard, ne veut pas entendre parler de ceux des autres.
Ce charivari ne doit rien au hasard. Il représente l’illustration de la situation irréaliste que des générations d’hommes politiques se sont employé à créer en Algérie depuis sa conquête en 1830. Au début, tout était clair : avec l’accord des autres puissances européennes, la France envoie ses troupes mettre fin à la piraterie barbaresque qui perturbe le commerce en méditerranée. Cet objectif est rapidement atteint, mais les militaires ne rembarquent pas pour autant. Sans qu’aucune décision politique n’ai été prise à Paris, ils se lancent dans une classique guerre de conquête. Victoires, défaites, massacres, signatures de traités se succèdent et, en 1834, la France « annexe », c’est le terme employé, plus de 2 millions de Km 2 de terre africaine. Que va-t-elle en faire ? Une colonie comme elle en a d’autres un peu partout dans le monde ? Non, quinze ans plus tard, elle décide, et cette décision sera inscrite dans la Constitution, que l’Algérie fait « partie intégrante des territoires français ». Tout comme la Corse, l’Alsace ou le Berry elle est divisée en départements, cours d’appels, rectorats… L’Algérie, c’est la France ! Bien que solennellement gravés dans de multiples textes législatifs et constitutionnels, ces mots ne parviendront jamais à se transformer en réalité.
Sur le terrain, deux populations cohabitent sans se fondre. Celle des « européens », les colons venus de France mais aussi d’Espagne, de Malte ou d’Italie et celle des « autochtones » que l’administration ne saura jamais identifier. Ces autochtones, largement majoritaires, sont en principe des Français comme les autres. Il n’en reste pas moins qu’ils ne le sont pas vraiment puisqu’ils seront appelés Français musulmans, Français de souche nord africaine, indigènes, arabes, sans parler des qualificatifs outrageants dont les affublent certains pieds noirs. Les « ratons » , « melons » ou « pinsons » peuvent tous les jours voir inscrite sur les bâtiments officiels la devise de la République « Liberté. Egalité. Fraternité ». Elle n’est pas pour autant entrée dans les faits. Ils ne votent pas dans le même collège que les « européens », ne vivent pas dans les mêmes quartiers, ne fréquentent pas les mêmes écoles. Les seuls moments où ils bénéficient pleinement de leur statut de Français sont les guerres mondiales. Lors de la première et la seconde, ils ont le droit de se faire glorieusement tuer sous l’uniforme et le drapeau français. Et les survivants ont le droit, comme le dit le chant des Africains, de rentrer dans leurs gourbis « le cœur joyeux et l’âme fière d’avoir défendu la patrie ». Curieusement, les « indigènes » ne se contentent pas des bonnes paroles qui leur sont dispensées par la « mère patrie ». Ils ont même « l’arrogance » de demander à ce qu’elles se traduisent par des mesures concrètes. Mesures auxquels s’opposent les représentants des Européens qui n’ont guère de mal à persuader les gouvernements qui se succèdent que tout va bien et que le statut quo s’impose.
Lorsqu’en mai 1945 des manifestations nationalistes puis des émeutes agitent l’Algérie, le discours est le même. Les « bons arabes » sont restés tranquilles, ceux qui se sont soulevés sont une minorité d’agitateurs nostalgiques du nazisme et influencés par des agents de l’étranger. Et contre eux, la répression s’impose. Elle sera si efficace que, malgré quelques mises en garde isolées, l’image officielle d’une Algérie constituée pour l’éternité de départements français comme les autres semble s’imposer.
En novembre 1954, la guerre d’indépendance qui commence est tout simplement niée. La France est chez elle en Algérie. Il ne peut donc pas s’y dérouler de guerre. Les militaires qui sont expédiés de l’autre côté de la Méditerranée viennent effectuer des « opérations de maintien de l’ordre » contre ceux qui seront qualifiés de terroristes, de hors-la-loi, de fellaghas. Surtout pas de combattants. Sept ans durant les politiques et les militaires chargés de « l’action psychologique » vont accumuler les formules définitives. De François Mitterrand à Charles De Gaulle en passant par Guy Mollet, Pierre Mendès-France et bien d’autres, le refrain est le même : l’Algérie fait partie de la France et la France ne négociera jamais avec des assassins manipulés depuis l’étranger. Chaque enterrement, et ils sont nombreux, chaque cérémonie est une vibrante célébration de l’Algérie française. La bataille des mots se poursuivra jusqu’à la veille de la signature des accords d’Evian. Et si ce que l’on nommait pudiquement les « événements d’Algérie » se poursuivront encore des mois durant, c’est que les pieds-noirs et les harkis, abreuvés de serments solennels ont la naïveté de continuer à croire que la France, comme elle l’a juré par la voie de ses dirigeants ne les abandonnera jamais.
Même le texte des accords d’Evian, dont toutes les virgules ont été pesées, n’échappera pas au sort des mots qui ont accompagné la naissance, la vie et la mort de l’Algérie française. A peine rédigés, à l’exception de ceux qui autorisent la France à poursuivre ses expérimentations nucléaires au Sahara, ils sont oubliés.
Que peut-on donc bien commémorer en mars 2012 ?